En 2008, Cyril Pallaud, encore étudiant à la Schola Cantorum Basiliensis, fondait « le Festival Callinet ». Partant de rien, l’infatigable et insatiable organiste et organisateur réussit en quelques années à convaincre et, grâce aux soutiens de nombreuses personnalités, amis et collègues musiciens, il put entreprendre une lente métamorphose qui aboutit -en 2015- à la création de la Capella Sacra et de la Saison Internationale de Musique Sacrée d’Alsace.
Prix Talent d’Avenir
Fond’Action Alsace 2011
Il le dit lui-même, rien ne le prédestinait à la Direction de Choeur et d’Orchestre. A l’âge de 25 ans, sa voie était toute tracée pour être musicologue (il est agrégé en Musique, reçu 3e au niveau national) et organiste concertiste. C’est autant les sollicitations nombreuses de ses jeunes collègues musiciens -qui étaient en demande d’un ensemble professionnel pour se produire- que sa prise de conscience quant à l’importance de défendre le répertoire sacré qui le poussèrent à créer la CAPELLA.
Comme il le rappelle, ces deux dernières années furent un véritable tourbillon, il fallut recruter les musiciens et les chanteurs, structurer administrativement l’association, développer la diffusion et la production, gérer les transports et les hébergements des artistes venant de toute l’Europe et surtout réunir des fonds. « C’est un travail immense. Désormais, la Capella est devenue une petite entreprise. Là où le budget d’un concert était de 2 ou 3.000€ il y a encore deux ans, il est désormais de 20.000€ car tous nos artistes sont sous contrat, la Capella étant depuis peu intégralement professionnelle. A ce sujet, le public n’a pas encore, me semble-t-il, totalement pris conscience du véritable coût de la culture qui est pourtant si indispensable à notre société et au bien-vivre ensemble. »
Chef & manager
A côté de sa charge d’enseignant, Cyril PALLAUD est ainsi le directeur artistique et administratif de la Capella, statut quasi omnipotent dont il se passerait bien : « Heureusement qu’aujourd’hui je suis épaulé et secondé par un Conseil d’Administration et des stagiaires efficaces car si l’on n'y prend pas garde, on passe très rapidement beaucoup plus de temps dans les dossiers que devant une partition. Or, la réalité de notre monde est aujourd’hui ainsi faite que sans argent et sans un travail administratif très conséquent, aucun ensemble professionnel ne peut survivre. Le temps du travail musical qui est pourtant le coeur, le fondement même de notre métier est donc de plus en plus réduit et menacé par toutes ces contingences. »
Vivre & transcender
Quand on lui demande pourquoi il a choisi ce métier alors même qu’aucun membre de sa famille n’est musicien, la réponse fuse pour celui qui -à la plus grand stupéfaction de ses parents & dès l’âge de 3 ans- voulait déjà être organiste, comme si le Saint-Esprit le lui avait soufflé : « Pour transcender les autres et moi-même, pour être vivant, pour rendre vivant, pour transmettre une émotion, une part d’éternité ! Sans musique, je ne suis rien ou du moins qu’un corps vide. La Musique possède pour moi un pouvoir fantastique de transcendance dans le sens où elle nous dépasse et nous permet de nous dépasser en exprimant l’inexprimable. Elle est le vecteur d’émotions d’une force incroyable. Quand je rentre sur scène, je sais que je vais vivre un moment extraordinaire et ressentir des sensations uniques qui me dépassent, qui nous dépassent. Mon objectif est de les faire partager au public et aux musiciens pour que nous nous élevions ensemble. Je souris toujours quand mes élèves m’affirment qu’un chef d’orchestre ne sert à rien. A l’inverse, je partage parfaitement l’avis de François-Xavier ROTH lorsque celui-ci affirme que le chef ne possède pas non plus le son au creux de sa main et qu’il ne le façonne pas. Non, le chef est clairement un catalyseur, il impulse une direction et donne une vision, la vision qu’il souhaite de l’oeuvre. Par son charisme, il permet enfin et surtout à chaque musicien de se dépasser pour donner le meilleur de lui-même. Ainsi la Capella est également une merveilleuse aventure humaine car, en moins de deux ans,des liens se sont tissés et, comment faire de la musique ensemble sans cela ? »
Cyril Pallaud, cite l’une de ses dernières anecdotes : « Le 20 Mai nous étions en concert à Thierenbach, dont la Basilique est un lieu exceptionnel et très attachant. Là aussi, ce fut un moment fort car un retour aux sources en quelque sorte, ayant accompagné les offices et chanté dans le choeur mixte alors que je n’avais pas encore 18 ans. Nous donnions la Grande Messe Inachevée de Mozart. De mémoire de pèlerin, la Basilique n’avait jamais été comble de la sorte pour un concert et l’atmosphère était d'un recueillement rare. Une fois la représentation terminée, je fus littéralement assailli par des spectateurs en larmes que je n’avais pas vu depuis 10 ans et qui me remerciaient tout simplement pour ce qu’ils avaient pu vivre pendant 2H de concert. C’est à ce moment précis qu’une petite voix à l’intérieur de votre tête vous souffle que vous êtes sur terre pour quelque chose, que vous servez à quelque chose. Peut-être suis-je donc là tout simplement pour apporter du bonheur ? »
La Musique comme Credo
Notre territoire est connu pour sa richesse en orgue et sa vitalité en chant choral. Pourquoi avoir créé un Ensemble spécifiquement de musique sacrée ? « La raison provient d’un choc que j’ai eu - justement en 2014. Nous étions avec l’Abbé Leonhardt (Prêtre de la Paroisse de la Croix Glorieuse Colmar - dont je suis le Maître de Chapelle depuis 2009 -fonction dont je dois être le dernier dans le Grand Est à porter encore le titre car vestige d’un temps où la musique sacrée avait encore une place prépondérante au sein de l’Eglise Catholique de France, même si aujourd’hui nous observons ici et là quelques changements de bon augure) à Munich et avons assisté à une Messe de semaine en l’église St-Pierre du Centre-Ville. Ce fut l’un des chocs de mon existence : 800 personnes assistaient au Chapelet, plus une place assise. La Messe qui suivit était accompagnée par un orchestre symphonique au grand complet, un choeur remarquable et les solistes de l’opéra ; au programme, la Messe du Couronnement de Mozart. Au même moment, vous pouviez assister à pareil événement dans quasiment toutes les églises de la Ville, c’était ahurissant. Et il en était ainsi tout au long de l’année. Je me souviens avoir fondu en larmes car je compris alors que pour toute une société, bavaroise en l’occurence, il était normal d’entendre quotidiennement et gratuitement tout le grand répertoire sacré, et ce, joué à la perfection. Cela faisait partie de leur culture, de leur identité et de leur histoire. Voilà pourquoi un jeune munichois peut vous fredonner n’importe quel air de Mozart ou Haendel, voilà pourquoi les choeurs, les orchestres, les conservatoires et les concerts allemands ne désemplissent pas ; car la Musique est au coeur de leur existence. Bien entendu, je ne souhaitais pas alors à moi tout seul révolutionner quoique ce soit, mais ce jour de juin 2014, j’eus l’intime conviction qu’il me fallait créer l’équivalent en Alsace, à savoir un choeur et un orchestre professionnels dévolus au grand répertoire sacré qui malgré tout était peu donné dans notre région par des ensembles professionnels. Ma charge de Maître de Chapelle ne me le permettait pas par manque de moyens, je décidais alors de me lancer dans une aventure un peu folle, celle de créer la CAPELLA. »
2 ans d’existence et une première reconnaissance
En deux années, la CAPELLA SACRA est devenue un ensemble intégralement professionnel réunissant pas moins de 14 nationalités distinctes. Après avoir obtenu le parrainage du Ministère de la Culture et de Brigitte Klinkert, Catherine TRAUTMANN a remis le 1er Trophée Jeune Talent lors du concert du 11 mars 2017 à OBERHERGHEIM à Alexandre Chaffanjon, baryton-basse soliste de la Capella. La remise de ce trophée, en partenariat avec la Caisse des Dépôts et Consignations correspond à l’un des objectifs prioritaires que s’est donné la Capella à savoir : l’insertion professionnelle des jeunes artistes.
« Cela fut une soirée très émouvante, nous confie Cyril PALLAUD. Oberhergheim est le berceau même de notre association car c’est avec le maire honoraire Paul HEGY que toute l’aventure a débuté en août 2006. Ce soir du 11 mars, près de 900 personnes étaient présentes dans une église comble et nous ne pouvions nous empêcher de repenser aux premières années ou seulement quelques dizaines de personnes assistaient à nos représentations. Les cinq premières années ont été lourdes en épreuves, il a fallu convaincre, lutter contre les jalousies et démontrer que nous étions capables de faire quelque chose. Les vrais soutiens que nous avons eus à l’époque ont été indispensables. La réussite d’aujourd’hui n’est donc que le résultat de 10 années d’efforts et de persévérance, aucun chemin n’étant facile. »