Telles les étoiles les plus brillantes d’une galaxie musicale infinie nous portant à la transcendance, Mysterium se compose de quelques-unes des plus grandes oeuvres vocales sacrées a capella écrites entre le 18e et le 21e siècle. Chacune d’elle interroge et éclaire, avec force, le pouvoir et le rôle de la musique, art de l’ineffable, dans notre questionnement intérieur. Comment ces harmonies célestes, théorisées dès Pythagore, réussissent-elles à nous procurer ce sentiment de Paix si particulier, avant-goût de l’éternité ? Comment nous permettent-elles de lever partiellement le voile sur notre propre mystère intérieur ?
O Magnum Mysterium
Point de départ de notre viatique, de notre parcours musical qui n’est autre qu’une montée vers le sommet de notre accomplissement : « O Magnum Mysterium », hymne de Noël évoquant avec beauté et tendresse l’un des plus grands mystères, celui de l’Incarnation. Chanté d’abord unisono dans sa version médiévale originale, il nous permet d’entrer dans le monde sacré. A ce titre, rappelons que le Chant grégorien, comme tous les chants « traditionnels » (au sens strict) et ce, quelque soit la culture – est monodique car évoquant l’unicité du Principe originel. De par son rapport au temps (et donc à la pulsation), il nous permet de changer de dimension et de quitter mentalement l’Ici-Bas.
Le programme s’articulera, ensuite, autour de trois des plus magnifiques « O Magnum Mysterium »: celui de Tomas Luis de Victoria, de Francis Poulenc et enfin de Morten Lauridssen. Chacun d’eux éclairera ce mystère sous un jour différent et complémentaire aux moyens d’harmonies originales, images d’édifices musicaux aux esthétiques distinctes.
Des Mystères à l’Incarnation
Le Mystère ne désigne pas un fait incompréhensible, il évoque – au contraire, un objet que l’on a jamais fini de comprendre, ou du moins – plus précisément que l’on ne pourra comprendre qu’en changeant de point de vue, en s’obligeant à passer à un autre degré de lecture, … A ce titre, le plus grand mystère d’entre tous, depuis l’aube de l’Humanité, est celui de notre propre finitude ; ce n’est ainsi pas anodin si, toutes les civilisations et leurs mystères évoquent la possible Immortalité. Or, comme évoqué plus haut, le Mystère ne se laisse pas entrevoir à tous - il est, aux yeux du profane, inaccessible. « L’Initiation aux Mystères » est donc présente pour accéder à ces mondes spirituels, d’ailleurs et ce quelque soit la tradition, elle se compose systématiquement d’un Mythe, d’une Initiation et d’un Rite.
Les premières traces de pareilles pratiques remontent ainsi aux égyptiens, à travers les Mystères d’Isis et Osiris, suivis par ceux d’Éleusis, en Grèce. Les Chrétiens, quant à eux, fixèrent trois Mystères indispensables au Salut, autrement dit à l’Immortalité de notre âme : la Trinité, l’Incarnation et la Rédemption tandis que Saint Jean-Paul II bâtit, quant à lui, la prière du Rosaire sur un cycle de quatre Mystères (douloureux, joyeux, lumineux et glorieux).
Au centre se trouve donc l’Incarnation du Verbe « Et verbum caro factum est », comme le souligne si magnifiquement le Prologue de Jean. Le Logos ou Principe se fait chair, à Noël – jour de la « Nouvelle Lumière ». Ce « soleil spirituel », auquel – tels les rayons – nous sommes tous rattachés, n’est autre qu’Adonaï (signifiant à la fois Dieu et disque solaire en hébreu). Présent pour révéler en nous notre propre Lumière, il est un préalable indispensable à notre Rédemption et la Musique est alors la seule à pouvoir nous accompagner dans ce viatique.
O Magnum Mysterium
O grand Mystère et admirable Sacrement Que des animaux voient le Seigneur Nouveau-Né couché dans une mangeoire Heureuse Vierge dont le sein a mérité de porter le Christ Seigneur.
Une création mondiale
C’est avec grande fierté que le Choeur de Chambre est dédicataire de la prochaine oeuvre de Bernard Lienhardt, compositeur alsacien reconnu. Ecrite pour choeur a capella, elle sera le coeur ardent de cette production consacrée aux mystères et à l’Incarnation, faisant écho au chant grégorien du O Magnum Mysterium initiant notre programme.
Du Mystère de l’Incarnation au Mystère musical
Au-delà des mots… plusieurs oeuvres du programme (Lux Aeterna, Elgar – Agnus Dei, Barber) sont des transcriptions vocales – réalisées de la main même du compositeur, d’oeuvres à l’origine orchestrale démontrant qu’une oeuvre sans parole n’est pas muette. Le « Verbe » peut – en effet – s’exprimer sans phonème et dans un autre langage que celui des mots. C’est bien ainsi que la Musique nous parle et nous touche. Pourtant nos deux compositeurs, choisissent, bel et bien, de faire parler « autrement » leur pièce maîtresse, à la plus forte notoriété. En ajoutant des mots, changent-ils alors l’essence même de leur création ? Et quels mots… puisque dans les deux cas, sont évoqués la Paix – soit à travers la Lumière Eternelle retrouvée, soit par le biais du Sacrifice de l’Agneau. A ce titre, le sens des paroles affecte indubitablement le message de l’oeuvre et modifie les émotions et sentiments ressentis, nonobstant le maintien scrupuleux de la structure et de l’harmonie initiales. La translation vocale nous confronte, qui plus est, aux âmes parlant aux âmes, messagers ailés indiquant le chemin à suivre pour accéder à notre Réconciliation.
Lux Aeterna, un chemin vers l’Eternité
Chacune des oeuvres mises au programme est enfin conçue, par son créateur, comme une architecture sonore image de la Perfection et porte vers l’Au-delà. C’est de cet Origine que parle, qu’évoque et que sublime la première note, la première harmonie de chaque pièce. De celle-ci, tel un prisme musical, jaillissent les rayons d’une étoile sonore contrapuntique éclatante, d’une pyramide musicale gigantesque dans un crescendo continu. Chaque oeuvre ne devient alors plus qu’une seule phrase musicale, qu’un seul souffle vital, qu’une prière intime et intérieure éclairant notre Mystère.