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Marc-Antoine Charpentier, à l'ombre du soleil

Marc-Antoine Charpentier, à l'ombre du soleil

Bibliographie de référence : Catherine Cessac, Marc-Antoine Charpentier, Paris, Fayard, 1988-2004. H. W. Hitchcock, Marc-Antoine Charpentier, Oxford, New-York, 1990.

Tel Janus, la postérité joua quelque peu avec Charpentier : d’un côté l’Ouverture de son Te Deum devint, sans doute, le morceau de musique classique planétairement le plus célèbre grâce à l’Eurovision et, d’un autre côté, la véritable et sincère redécouverte du corpus compositionnel du compositeur (doté de plus de 550 références) fut timide et tardive.

De son vivant, notre compositeur pâtit des mêmes déboires. S’il entretenait d’excellentes relations avec Louis XIV et la famille royale, l’omnipotence lullienne lui interdit tout poste à la Cour du Roi, le reléguant –symboliquement- au deuxième poste du royaume le plus important en terme de musique sacrée, à la Sainte-Chapelle. Cette « quarantaine » forcée est due, avant tout, à la lutte d’influence entre factions « italienne » et « française ».

En effet, sous l’ère Mazarin, les italiens dominèrent largement la cour de France, dans tous les domaines. Suite à la Fronde et au départ du cardinal, tant Louis XIV que la noblesse développèrent un anti-italianisme ardant, portant désormais aux nues le nouveau « style » français, image d’un royaume triomphant dont le porte étendard musical devint Jean-Baptiste Lully, pourtant né à Florence ! C’est dire si notre jeune Charpentier, formé auprès de Carissimi à Rome, ne put s’imposer avant la mort du grand Jean-Baptiste, survenue en 1687. Dès lors, n’ayant que peu de chances de s’imposer dans le genre de la tragédie lyrique, Charpentier se tourna vers la musique sacrée, genre qu’il affectionnait tout particulièrement de part les fonctions qu’il occupait en tant que maître de musique chez les jésuites depuis 1687, poste fourni par son premier mécène Mademoiselle de Guise, la très pieuse Marie de Lorraine, chez qui il fut compositeur et chanteur haute-contre à partir de 1680.

2017-analyse_charpentier.pdf

La Naissance de la « Messe » comme genre musical

Les 12 Messes que nous laisse Charpentier constituent les douze véritables premières « messes » comme genre musical que nous possédons en France. Nous devons ainsi à notre compositeur d’avoir établi durablement un nouveau style, celui de la messe concertante d’origine italienne, autrement dit de la mise en musique de l’ordinaire de la Messe avec une conduite autonome des instruments, pratique qui n’existait pas en France antérieurement. La plus célèbre d’entre elles n’est autre que La Messe de Minuit qui correspond à la mise en musique de la première des trois messes de Noël prévues par la Liturgie (Messe de la Nuit – Messe de l’Aurore – Messe du Jour). Composée en 1694 pour les Jésuites, elle renoue avec une pratique ancestrale consistant à insérer des mélodies populaires au sein d’œuvres sacrées, procédé pourtant formellement interdit depuis le Concile de Trente, lesdites mélodies des Noëls étant souvent des reprises de chansons moins « recommandables ».

Sacrée ou Profane ?

Les 10 noëls utilisés par Charpentier dans son œuvre lui confèrent une expression des plus spécifique, particulièrement enjouée et dansante, notamment grâce à leur aspect modal archaïque et à leurs enchaînements harmoniques inattendus. Leur caractère strophique permet à Charpentier d’utiliser à merveille le principe du thème & variations plaçant son œuvre sous le sceau de la diversité des styles. Mais si la modernité de son approche est saisissante, il n’en réfère pas moins à la tradition dans l’alternance entre passages purement instrumentaux & vocaux, véritable hommage à la pratique de l’alternatim qui était alors la règle. Entre Danse et hommage…